Deux poèmes de Nâzim Hikmet
Les hasards de la vie
Une fois n’est pas coutume. Ce matin, je suis retombé sur un petit ouvrage édité par Le Temps des cerises, et intitulé C’est un dur métier que l’exil, avec le sous-titre Anthologie poétique établie et présentée par Charles Dobzynski. J’ai représenté il y a quelques années une lecture consacrée à Nazim Hikmet, et il y avait des extraits de cet ouvrage. J’en ai retrouvé deux avec plaisir, que je vous présente ici :
- Je te dirai quelque chose…
- Le globe
Je te dirai quelque chose
Je vais donc enregistrer ici le premier de ces deux poèmes de Nâzim Hikmet. Je te dirai quelque chose… est un poème adressé à sa femme, écrit alors qu’il était en prison. Il est extrait de Lettres et poèmes (1942-1946).
III
Je te dirai quelque chose
d’une importance capitale
L’homme change de nature
quand il change de lieu.
J’aime effroyablement ici
le sommeil qui vient comme une main amie
ouvrir les verrous de ma porte
et renverser les murs qui m’enferment.
Comme dans la comparaison banale
je me laisse aller dans le sommeil
comme la lumière glisse dans les eaux tranquilles
Mes rêves sont magnifiques
je suis toujours dehors
Le monde y est clair, le monde y est beau
Pas une fois encore
je n’y fus prisonnier.
Pas une fois encore dans mes rêves
je ne suis tombé de la montagne dans l’abîme.
Tes réveils sont terribles diras-tu,
Non, ma femme,
J’ai assez de courage pour faire au rêve sa part de rêve.
Le Globe
Ce poème de Nâzim Hikmet est extrait de Paris, ma rose, composé d’écrits rédigés entre 1958 et 1960.
Le Globe
Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.
Donnons-leur afin qu’ils en jouent comme d’un ballon multicolore
Pour qu’ils jouent en chantant parmi les étoiles.
Offrons le globe aux enfants,
Donnons-leur comme une pomme énorme
Comme une boule de pain toute chaude,
Qu’une journée au moins ils puissent manger à leur faim.
Offrons le globe aux enfants,
Qu’une journée au moins le monde apprenne la camaraderie,
Les enfants prendront de nos mains le globe
Ils y planteront des arbres immortels.
Autres écoutes
Proposition
Si vous me proposez un texte appartenant au répertoire, dans la mesure du possible, et de ma sensibilité, je l’enregistrerai. Il n’y a aucune obligation mais, comme j’aime la poésie et la dire, ce sera avec plaisir.
Liens vers les autres poètes
Pour accéder au répertoire des auteurs enregistrés : Enregistrements – Index.
Enregistrements qui ont précédé
D’autres poèmes et d’autres poètes ont été enregistrés avant ces deux poèmes de Nâzim Hikmet.
- De Marceline Desbordes-Valmore, je vous invite à écouter, et peut-être à découvrir : Les séparés ;
- De Paul Verlaine,
- De Robert Desnos, La voix, poème découvert grâce à un twittutilisateur.
De Victor Hugo, voici :
- À la fenêtre pendant la nuit
- Les Djinns
- Demain, dès l’aube…
- Aimons toujours ! aimons encore !
- Les pauvres gens, enregistrés en plusieurs fois :
- Vere Novo
- Mes vers fuiraient… ;
- Quiconque est amoureux ;
- La Coccinelle ;
- Chanson ;
- J’aime l’araignée et j’aime l’ortie.
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Magnifique découverte ! Merci!
Que pensez-vous de ce poème-ci de Rudyard Kipling ?
» Si…
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils ! »
« Tu seras un homme » est un des poèmes du patrimoine universel. Oui, je le connaissais. Souhaitez-vous que je l’enregistre ?
Voilà, c’est fait : il est enregistré : Si…, de Rudyard Kipling.