Ô femme ! – Le texte
Naître femme,
C’est naître d’une femme,
Nécessairement,
Car la vie naît dans la femme, vient de la femme, jaillit de la femme,
Donc
Naître femme, c’est naître d’une femme, c’est naître de soi-même.
Mais dans ce naître,
ce n’être,
Y a-t-il négation de l’être ?
Y a-t-il annulation de l’être ?
Femme,
Au commencement,
Tu es ma mère,
Tu es la mère de chacun ici-bas,
Tu es la source de vie,
Tu es le cri de la vie à la naissance, tu es ce cri, tu donnes vie,
Tu me donnes vie à moi, homme.
Sans toi, je ne serais pas.
Sans toi, l’homme ne serait pas, n’existerait pas.
Tu es à l’origine, femme,
Tu es l’origine.
Et l’homme est fait pour s’associer, pour s’unir avec toi, femme,
Parce que de cette association, de cette union, de cet amour qui vous transfigure tous deux, naissent des idées, des créations, du plaisir, de la joie, des enfants, des sentiments…
De ces deux âmes, de ces deux êtres, de ces deux esprits, libres et égaux, de ces deux énergies, qui se joignent, est engendrée une troisième énergie, un troisième esprit, un troisième être, une troisième âme, fruit de leur création, créée pour les prolonger dans l’avenir, pour les perpétuer,
Source d’une immortalité d’âmes.
Aussi je m’interroge sur notre monde tel qu’il est, tel que l’homme s’y comporte, tel qu’il s’organise.
Comment cet homme (et quand je dis « homme », il existe aussi des femmes qui se comportent ainsi), comment cet homme, donc, peut-il se transformer en prédateur et asservir, violenter, violer une femme ?
Comment cet homme, l’homme, peut-il aller même jusqu’à se comporter ainsi avec une femme avant même qu’elle ne soit femme ?
Comment est-il possible qu’une fille à peine nubile, pas même nubile, encore une enfant, fragile, innocente, comme sont les enfants parce qu’ils découvrent, parce qu’ils ne connaissent pas, parce qu’ils regardent le monde avec naïveté, cette naïveté pure, cette innocence qui devrait être au cœur de chacun,
Comment est-il possible qu’une telle innocence puisse être enfermée, capturée, investie, violentée ?
Et cela n’arrive pas exceptionnellement, cela n’arrive pas une fois par siècle, dans ce qui devrait être une sorte d’horreur absolue, de crime absolu, de néantisation absolue de l’humain (pour le prédateur et sa victime !),
Non,
Cela arrive plusieurs fois par jour, en tous les points du monde,
Il n’est pas un pays qui ne soit épargné, pas une culture qui n’en soit souillée, pas une religion qui ne l’évite.
Mieux même, certains se servent, se sont servis, ou se serviront de leur religion, de leur culture, pour justifier ce crime.
Et ce crime est commis aussi bien par le soudard en temps de guerre ou le criminel en série en temps de paix que par le cousin si sympathique ou le bon père de famille,
Oui, le bon père de famille, avec sa bonne conscience et son statut social reconnu !
Aimé, apprécié de tous ses voisins, amis, collègues, il accomplit les actions les plus sordides (sordides parce qu’aux dépens d’un autre et non avec un autre) et il les accomplit avec sa propre fille.
Et je crie.
Car l’homme qui est père, son rôle, ou alors je n’ai rien compris à ce qu’est un père, c’est de permettre à son enfant de s’envoler, de l’aider à grandir pour cela, de l’accompagner, avec amour, avec tendresse, avec cette distance qui accompagne et qui protège, qui montre les dangers, les turbulences, les écueils, tous les obstacles naturels, et qui le protège de tout ce qui n’est pas naturel, ce qui est perverti, ce qui est sale, ce qui est sordide, tous les prédateurs.
Et ce n’est pas à lui d’être un prédateur avec son enfant.
Ce n’est pas à lui d’enfermer son enfant, d’annihiler son désir de liberté, cette liberté qui permet de s’apprendre (et de se méprendre aussi, et les erreurs possibles rendent probable la solution, celle qui mène à soi), ce n’est pas à lui, le père, cet homme, d’enfermer son enfant dans un labyrinthe.
Cet homme-là, celui qui asservit son enfant, qui le viole, que ce soit par le corps ou par l’esprit, qui prend possession, qui enferme un enfant, son enfant (car tous les enfants du monde sont nos enfants),
Cet homme-là n’est pas un homme, cet homme-là, aussi puissant soit-il, aussi adulé soit-il, aussi apparemment digne soit-il,
Cet homme-là n’est pas un homme.
C’est un tout petit enfant bonzaï (et j’insulte les bonzaïs avec cette comparaison mais elle exprime cette réalité d’un être qui n’a pas grandi même s’il en a l’apparence).
Et je ne parle pas ici de l’homme, des hommes qui violent la beauté de la femme, sous prétexte qu’elle en deviendrait tentatrice ! Je ne parle pas de l’homme, de ces hommes, qui ont jeté, qui jettent encore et qui jetteront de l’acide (du vitriol, comme on disait autrefois) au visage des femmes…
Avez-vous vu l’horreur que cela engendre, cette néantisation voulue de l’autre, de la femme, de celle qui lui a donné vie, qui donne vie ou qui donnera la vie ?
Je ne parle pas des viols sous toutes formes et toutes justifications qui se répandent à la surface de la terre, des viols pour des raisons (mais peut-on appeler « raisons » cette folie ?) politiques ou ethniques ou même économiques !
Et quand je regarde mon pays, la France, et que je vois ces femmes, transplantées d’un pays dans l’autre, importées en France un jour de hasard, sans savoir où elles arrivaient, sans connaître leur destin ni ce qui les attendait,
Quand j’écoute ces femmes et le récit de leur vie :
Le plafond qui s’effondre dans la chambre des enfants mais heureusement, cette nuit-là, les enfants dormaient avec leur mère,
L’attente dans le froid et la nuit, après des heures de voyage, dans un parc inconnu et peuplé d’ombres inquiétantes,
La gifle du mari qui vient chercher sa jeune épousée réfugiée dans la chambre de sa cousine parce qu’elle ignore la nuit de noces et qu’elle vient d’arriver en France, neuf mois après un mariage au bled et sans le mari,
La tante si accueillante qui hurle qu’il est temps de se mettre au travail et qu’elle n’est pas là pour dorloter une paresseuse,
Les poubelles descendues pour rencontrer d’autres êtres vivants plutôt que de rester enfermée dans un appartement froid et impersonnel,
Les enfants élevés dans le respect de cette culture inconnue, et qui leur permettra, plus tard, devenus adultes, d’être libres et heureux,
Tout cet amour donné à leurs enfants, toute cette vie offerte pour que leurs enfants, leur avenir, soient heureux, soit joyeux, et qu’ils ne connaissent pas l’asservissement ni la misère et qu’ils accèdent au savoir, à la connaissance, à la pensée,
Cette pensée qui leur a été interdite, mais qu’elles portent en elles, vivante, pure, flamboyante, parce que leur intelligence, même si elle n’est pas formatée, intellectualisée, sociétalisée, elle vient du cœur de la vie, de l’âme des femmes, de ces femmes héroïques, de cette source de vie qui porte vers l’avenir.
La femme est l’avenir de l’homme, disait le poète,
Oui, il faut le répéter ici, la femme, plus que jamais, est l’avenir de l’homme.
Femme, ton regard me plonge dans les flots tumultueux de l’océan qui m’a vu naître,
À l’origine de la vie, à l’origine de toute vie, il y a toi,
Femme, tu es pluie, car de toi naît l’arc-en-ciel qui embellit le ciel et la terre.
Femme, tu es terre, car de toi naissent les fleurs, les fruits, les bourgeons de l’avenir,
Femme tu es feu quand je te serre entre mes bras d’homme et que tu danses, libre et brûlante d’amour pour la vie,
Femme tu es eau, comme s’écoule de toi la source de vie à l’origine du monde, comme cette vague qui jaillit à l’instant du plaisir, comme jaillissent les larmes de l’émotion qui balaie les souillures subies…
Femme, je t’aime.