Les Djinns
Ce texte est extrait des Orientales, du volume Poésie I de la collection BOUQUINS des Œuvres complètes de Victor Hugo, à la page 497.
Je cite cette référence à chaque fois car elle est ma base de transcription, avec le site cité (sic !) la dernière fois et sur lequel je me fonde dans un premier temps. Normalement, le texte présenté à chaque fois ici est la référence quant à l’original de Victor Hugo…
XXVIII
Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise ;
Tout dort.
Dans la plaine
Naît un bruit.
C’est l’haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu’une flamme
Toujours suit.
La voix plus haute
Semble un grelot. –
D’un nain qui saute
C’est le galop :
Il fuit, s’élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d’un flot.
La rumeur approche ;
L’écho la redit.
C’est comme la cloche
D’un couvent maudit ; –
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s’écroule,
Et tantôt grandit.
Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !… Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l’escalier profond !
Déjà s’éteint ma lampe ;
Et l’ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu’au plafond.
C’est l’essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant.
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau lourd et rapide
Volant dans l’espace vide
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.
Ils sont tout près ! – Tenons fermée
Cette salle, où nous les narguons.
Quel bruit dehors ! hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu’une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée
Tremble, à déraciner ses gonds !
Cris de l’enfer! voix qui hurle et qui pleure !
L’horrible essaim, poussé par l’aquilon,
Sans doute, ô ciel ! s’abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l’on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu’il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon !
Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J’irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d’étincelles,
Et qu’en vain l’ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !
Ils sont passés ! – Leur cohorte
S’envole, et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L’air est plein d’un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !
De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l’on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d’une voix grêle,
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d’un vieux toit.
D’étranges syllabes
Nous viennent encor ; –
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s’élève,
Et l’enfant qui rêve
Fait des rêves d’or.
Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leurs pas ;
Leur essaim gronde :
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu’on ne voit pas.
Ce bruit vague
Qui s’endort,
C’est la vague
Sur le bord ;
C’est la plainte,
Presque éteinte,
D’une sainte
Pour un mort.
On doute
La nuit…
J’écoute : –
Tout fuit,
Tout passe
L’espace
Efface
Le bruit.
Enregistrements du jour : Les Djinns
Je vous convie à écouter Les Djinns. C’est encore un tube, un des grands classiques, ô combien célèbre, de Victor Hugo, un poème des Orientales. Août 1828 est-il précisé comme date.
Je l’ai confié au micro de mon ordinateur qui l’a enregistré en un seul jet (J’ai déjà eu l’occasion de dire ce texte). Cliquez ci-dessous et vous l’entendrez ou, du moins, vous aurez la possibilité de l’écouter.
Les Djinns
Les enregistrements précédents
Avant Les Djinns, j’ai enregistré d’autres poèmes et d’autres poètes.
- De Marceline Desbordes-Valmore, je vous invite à écouter, et peut-être à découvrir : Les séparés ;
- De Robert Desnos, La voix, poème découvert grâce à un twittutilisateur.
De Victor Hugo, voici :
- Demain, dès l’aube…
- Aimons toujours ! aimons encore !
- Les pauvres gens, enregistrés en plusieurs fois :
- Vere Novo
- Mes vers fuiraient… ;
- Quiconque est amoureux ;
- La Coccinelle ;
- Chanson ;
- J’aime l’araignée et j’aime l’ortie.
Mieux connaître Victor Hugo ?
Ce poème vous a plus ?
Mieux : vous souhaitez en savoir plus sur Victor Hugo ?
Je ne saurais trop vous conseiller d’aller sur le site que j’ai dédié à la poésie de Victor Hugo : Entendre Victor Hugo (Il suffit de suivre le lien).
Non seulement vous pourrez entendre sa poésie, avec un éventail de choix beaucoup plus large, mais vous pourrez aussi lire le récit de sa vie poétique scandée en trois temps : avant, pendant et après l’exil, et ce par un spécialiste : Arnaud Laster.
Vous pourrez également découvrir son œuvre picturale puisque chaque poème présenté est associé à un détail des dessins de Victor Hugo.
Vous pourrez aussi entendre une autre interprétation des Djinns et découvrir le détail de dessin associé.
Le projet Entendre Victor Hugo
Ce site est consacré à Victor Hugo afin d’entendre sa parole. Mais aussi pour voir, regarder, faire connaître ses dessins. Le texte présenté est la référence actuelle, dans l’état des recherches universitaires. Je vous fais part de tout ceci, visiteur qui passez sur cette page, afin que vous le sachiez. À l’instant où vous vous intéressez à ces Djinns, ce site existe déjà.
En vous inscrivant à la newsletter de ce site, vous serez tenu au courant des publications.
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